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Le discours de haine du Kremlin incite à commettre des crimes de guerre en Ukraine

juin 09, 2022

Après des années à collecter, analyser et archiver des exemples de la désinformation russe sur la plateforme EUvsDisinfo, nous nous sommes habitués à un certain degré de grandiloquence et d’imprévisibilité de la part des médias de désinformation pro-Kremlin. Bien sûr, la stratégie globale de la désinformation et de la propagande est claire, alors que les mêmes discours sont rabâchés encore et encore, comme un disque rayé. Mais de temps à autre, la machine de la désinformation pro-Kremlin place la barre tellement bas, qu’elle nous surprend nous aussi. Comme ce fut le cas cette semaine.

La rhétorique du Kremlin sur l’injustifiable guerre d’agression que la Russie a lancée contre l’Ukraine le 24 février 2022 s’est toujours caractérisée par son imagination fertile et son manque de bon sens. Elle s’est construite autour de la désinformation, s’imprégnant fortement de la néoparler d’Orwell et adoptant une attitude hautaine suffisante, et ce, depuis le premier jour. Pourtant cette semaine, l’un des plus éminents experts de la désinformation pro-Kremlin est allé encore plus loin. Autrefois encensé comme le messager de la Russie modérée, Dmitri Medvedev, qui a exercé un mandat à la présidence du pays, vient de sortir le grand jeu. Utilisant sa plateforme Telegram préférée, il a proféré ni plus ni moins qu’un discours de haine, sous-entendant gravement que tous les Ukrainiens devraient être éliminés de la surface de la Terre. Ce n’est évidemment pas la première fois que M. Medvedev fâche les abonnés de cette chaîne Telegram avec ce qui s’apparente à une incitation à la violence et à une justification des crimes de guerre perpétrés.

Bien que totalement répréhensible sur le plan moral, cette sortie ne constitue toutefois pas un tournant dans la rhétorique pro-Kremlin. Il s’agit plutôt du résumé d’un discours de déshumanisation et de diffamation de tous les Ukrainiens, qui les assimile aux nazis et appelle publiquement à leur éradication d’une manière qui ne peut être décrite que comme un génocide. Les termes employés sont importants, et les mots prononcés avec une telle haine débridée peuvent entraîner des conséquences vraiment tragiques et réelles pour la population ukrainienne. Et ceux qui osent tenir ces propos doivent être tenus pour responsables au même titre que ceux qui pressent la détente.

Ne détestez pas les rageux

L’écosystème de la désinformation pro-Kremlin a également fait étalage de sa dissonance cognitive caractéristique en repensant la campagne de réseaux sociaux #StopHatingRussians avec une nouvelle vidéo, lançant des accusations sans fondement selon lesquelles l’Occident tenterait de bannir la culture russe. Il est assez curieux d’appeler à la fin de la haine d’une main tout en la servant de l’autre. Ici encore, les médias de désinformation contrôlés par l’État russe ont toujours utilisé l’argument de la «russophobie» pour justifier les critiques ou les contremesures de l’Occident. Et depuis que le menteur-en-chef lui-même s’est plaint de la «culture du boycott» adoptée à l’encontre de tout ce qui est russe, l’écosystème de la désinformation pro-Kremlin a été plus que ravi d’exploiter ce filon-là aussi.

La promotion de cette «campagne», du moins sur Twitter, semble assez coordonnée, tandis que des comptes diplomatiques russes, dont celui du ministère russe des affaires étrangères, donnent le ton pour conférer un semblant de crédibilité à ces allégations. Toutefois, étant donné que ces comptes ont également propagé de manière éhontée de la désinformation sur la guerre russe en Ukraine, et que Twitter est allé jusqu’à limiter la promotion des comptes du gouvernement russe, les colporteurs pro-Kremlin de la «russophobie» ont cherché à simuler la légitimité en recourant à d’autres moyens. L’effort le plus récent, montrant l’absence presque totale de toute intégrité journalistique, a été de propager la vidéo susmentionnée via de faux comptes de médias occidentaux légitimes bien connus.

Ravis de vous affamer

Enfin, l’écosystème de la désinformation pro-Kremlin n’a pas manqué d’aborder le sujet auquel tout le monde pense ces derniers temps – l’imminente crise alimentaire mondiale. En réalité, le Kremlin a déjà activement déployé ses outils de désinformation dans une tentative précoce visant à façonner le discours global sur ce sujet. Aujourd’hui, réalisant peut-être que le monde ne se laissera pas si facilement berner par les allégations d’irréprochabilité de la Russie, la machine de la désinformation contrôlée par l’État russe est passée à la vitesse supérieure en rejetant la responsabilité de la famine et de la faim qui menacent les populations les plus vulnérables du globe.

Soyons très clairs. La capacité de l’Ukraine, le quatrième plus grand exportateur de céréales du monde, à cultiver, récolter et fournir les céréales a été perturbée par une seule et même chose: l’injustifiable guerre d’agression lancée par la Russie contre l’Ukraine en février. La sécurité alimentaire mondiale a été davantage compromise par le blocage russe des navires ukrainiens exportant les céréales, l’attaque et la destruction des infrastructures de transport, y compris le bombardement des terminaux d’expédition, et même le pillage des réserves de céréales de l’Ukraine pour les revendre à des pays tiers. Prendre le monde en otage pour justifier une guerre injustifiable et vouloir affamer des innocents va au-delà de la haine. Alors que le Kremlin est prêt et disposé à commettre de telles atrocités insensées, rejetant la faute et propageant un discours de haine, toute prétention d’humanitarisme de la Russie sonnera creux.