Prenez une annexion, saupoudrez de Novitchok et faites cuire au-dessus d’un dépôt de munitions

Capture d’écran de YouTube: 60 Minut, Rossiya 24
Cette semaine, Disinformation Review couvre l’acte de sabotage en Tchéquie, le renforcement militaire de la Russie à ses frontières avec l’Ukraine, et la détérioration de l’état de santé d’Alexeï Navalny.
Utiliser le GRU comme couverture
Le 17 avril, le Premier ministre tchèque a annoncé que des agents du GRU russe étaient impliqués dans l’explosion d’un dépôt de munitions en 2014. Selon un rapport de l’entreprise d’analyse des données Semantic Visions, cette information a immédiatement poussé les médias impliqués dans des campagnes de désinformation contre la Tchéquie à détourner l’attention de la COVID sur cet acte de sabotage.
Le lendemain, le nombre d’articles de désinformation couvrant l’attaque du GRU était trois fois plus élevé que ceux consacrés à la COVID-19.

Nombre d’articles par date et par sujet
Sujets: Anti-UE/Europe; Anti-libéralisme; Anti-OTAN; Anti-Ukraine; Désinformation sur la Covid; GRU; Discours Pro-Kremlin; Pro-Poutine; Pro-Russie; Relativisation de la vérité; Manipulation de la sécurité; Manipulation d’une menace de guerre
Comme le montre le graphique, le 20 avril, la désinformation relative à l’attaque (vert) dépasse toujours largement la désinformation liée à la COVID-19 (jaune).
Le rapport prédit également que les médias pro-Kremlin utiliseront des tactiques similaires à celles observées suite à l’empoisonnement de Salisbury et à l’abattage de l’avion de ligne malaisien MH17. Ainsi, différents discours contradictoires et autres explications alternatives sur l’attaque du GRU pourraient être diffusés dans le but de perturber une enquête approfondie.
Nous pouvons appuyer cette théorie par des exemples tirés de la base de données des cas de désinformation ou même en citant un groupe de réflexion financé par le Kremlin: «Un récit préfaçonné, répondant aux intérêts nationaux de l’État, peut significativement réduire l’impact des activités de forces étrangères sur la sphère de l’information, puisqu’en règle générale elles visent à combler les “vides” [dans le flux d’informations].»
Au vu des informations communiquées par Sputnik en tchèque et la télévision russe, les vides ont été comblés, et la prédiction semble se réaliser:
- Les accusations contre le GRU visent à empêcher la Russie de rénover une centrale nucléaire; il n’existe aucune preuve
- Les allégations relatives à l’implication de la Russie ont pour but de discréditer le Spoutnik V; elles sont similaires à de précédentes campagnes anti-russes comme le prétendu empoisonnement des Skripal et l’accident du vol MH17
- Accuser le GRU sert à couvrir la tentative de coup d’État en Biélorussie
Navalny est une marionnette de l’Occident
Le déploiement militaire russe à proximité de l’Ukraine a permis de détourner l’attention du leader de l’opposition Alexeï Navalny, mais sa grève de la faim et son risque de subir une crise cardiaque ou une insuffisance rénale l’ont ramené sur le devant de la scène. Alors que les dirigeants occidentaux soutiennent sa libération et que ses défenseurs promettent d’organiser des manifestations de grande ampleur, nous avons recueilli des discours de désinformation qui déforment la réalité.
- L’Occident se sert de Navalny pour mener des activités subversives en Russie
- L’Allemagne est impliquée dans l’empoisonnement de Navalny
- L’Allemagne exploite Navalny pour s’immiscer dans les affaires internes de la Russie
Des soldats russes pour mettre fin au génocide
Les médias pro-Kremlin doivent en quelque sorte expliquer et justifier la présence de plus de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne effectuant des exercices et bloquant des parties de la mer Noire à la navigation. Selon une vérification de faits de la BBC, l’émission Vesti Nedeli diffusée sur la chaîne télévisée Rossiya 1 et présentée par Dmitri Kisselev, sanctionné par l’UE, a ainsi utilisé des images trompeuses de chars et d’avions pour illustrer la responsabilité de l’Occident dans l’escalade des tensions. Même si les équipements militaires montrés dans la vidéo (et la vidéo elle-même) appartenaient effectivement aux États-Unis, l’aéronef n’a pas atterri en Ukraine, mais en Alaska, et le char Abrams circulait en Bulgarie.
Mais la désinformation pro-Kremlin n’entend pas seulement détourner des images de matériel militaire. Comme les exemples de désinformation suivants le montrent, le nazisme, le génocide et l’encerclement de la Russie sont aussi largement couverts par les médias pro-Kremlin:
- La Russie n’a jamais attaqué l’Ukraine
- Kiev rompt les accords de Minsk
- Les États-Unis et les pays de l’OTAN transforment délibérément l’Ukraine en «poudrière»
- Les soldats russes mettront fin au génocide de la population du Donbass, y compris des enfants russes
- L’Ukraine glorifie le nazisme et pratique l’antisémitisme
Les sujets changent, les méthodes restent
En analysant les discours recueillis auprès des médias pro-Kremlin cette semaine, notre diagnostic serait rejeter, déformer, distraire et consterner ou les «4D» en anglais («dismiss, distort, distract and dismay»).
Il est frappant de constater que Ben Nimmo, un expert largement reconnu dans le domaine de la lutte contre la désinformation, qui gère désormais la stratégie globale de Facebook de renseignement sur la menace contre les opérations d’influence, avait déjà décrit son approche des «4D de la propagande» en 2015 et qu’elle s’applique toujours aujourd’hui…